Françoise Vergès
la ligne de couleur
« Le discours sur le « racisme antiBlancs » émerge donc dans un contexte de nécessaire mais difficile révision du récit de la conquête coloniale, de décolonisation de la société française, mais aussi de fragilisation des classes laborieuses, de paupérisation généralisée, où la vieille et solide formule « diviser pour régner » fait de nouveau entendre sa voix. La société française fut, tout au long de son histoire moderne, pénétrée par un discours racialisé. Blanche, elle l’est devenue par paliers, par glissements, et blanches sont devenues la liberté, l’égalité et la fraternité. » Françoise Vergès est Consulting Professor au Goldsmiths College de Londres, chercheur associé au Collège d’études mondiales, et écrivain. Elle est l’auteur de nombreux ouvrages, dont La Mémoire enchaînée. Questions sur l’esclavage (Albin Michel, 2006), ou L’Homme prédateur. Ce que nous enseigne l’esclavage sur notre temps (Albin Michel, 2011).
Temps de lecture : ~ 23 minutes
Sadri Khiari
La construction de l’unité stratégique du Pouvoir blanc
« La République est une religion islamophobe. L’islamophobie ne combat pas le musulman en tant que musulman mais le musulman en tant que rebelle potentiel à l’ordre blanc – et c’est pourquoi tout musulman est un intégriste ou un terroriste en puissance. Elle ne se développe pas principalement dans le champ de l’intolérance religieuse mais dans celui de la lutte raciale. Elle ne constitue donc qu’un volet de cette contre-offensive coloniale qui est menée contre l’ensemble des indigènes et, plus particulièrement, contre l’espace privilégié de leurs résistances, les cités populaires où se nouent les différentes facettes de la politique sécuritaire. » Sadri Khiari est un militant et écrivain tunisien. Membre de l’opposition tunisienne depuis la fin des années 1970, lorsqu’il rejoint la section tunisienne de la Quatrième Internationale qu’il dirige jusqu’à sa disparition au milieu des années 1990, il est notamment un membre fondateur du Conseil national pour les libertés en Tunisie, dont il est responsable des relations extérieures, et de RAID Attac Tunisie. Installé en France depuis janvier 2003, il est l’un des membres fondateurs du mouvement des Indigènes de la République (MIR) qui, depuis février 2010, s’est transformé en parti, le Parti des Indigènes de la République.
Temps de lecture : ~ 45 minutes
Françoise Vergès
définir un camp : un féminisme décolonial
« [Ce texte] se situe dans la continuité des ouvrages critiques des féministes du Sud global et de leurs alliées au Nord sur le genre, le féminisme, les luttes de femmes et la critique d’un féminisme que j’appelle civilisationnel parce qu’il a entrepris la mission d’imposer au nom d’une idéologie des droits des femmes une pensée unique qui contribue à la perpétuation d’une domination de classe, de genre et de race. J’y défends un féminisme décolonial ayant pour objectif la destruction du racisme, du capitalisme et de l’impérialisme » Françoise Vergès est politologue et militante feministe « décoloniale ». Elle est membre du département politique au Center for Cultural Studies du Goldsmiths College de l'université de Londres de 2014 à 2018.
Temps de lecture : ~ 70 minutes
Stephane Francois
Grand remplacement le nouveau masque du racisme
« Grand remplacement », le nouveau masque du racisme – Stéphane François Le « grand remplacement », une thèse née dans les années 1950 L’ethnodifférentialisme, un néoracisme Le métissage comparé à un ethnocide Un tiers-mondisme d’extrême droite L’altérophobie de Zemmour Alain de Benoist, du néofascisme à l’extrême droite « respectable » - Razmig Keucheyan La voie culturelle À Nouvelle Gauche, Nouvelle Droite Gramscisme de droite Néolibéralisme et « sciences de la vie» Le « bolchevisme de l’Antiquité » Écologie intégrale Le peuple et le « politiquement correct » La bataille des idées
Temps de lecture : ~ 0 minutes
Olivier Le Cour Grandmaison
Coloniser exterminer
« Pendant que l’on débat longuement en France sur la nature des peines et les moyens de les rendre moins affligeantes pour les corps, les « indigènes » continuent d’être suppliciés en public, qu’ils soient vivants ou morts, civils ou combattants. Des années 1840 à l’indépendance, en 1962, le corps physique de l’« Arabe » a donc été utilisé comme un instrument de terreur sur lequel le pouvoir colonial n’a cessé d’inscrire les marques de sa toute-puissance. La torture en Algérie et dans l’empire français : une exception limitée aux guerres de libération nationale conduites contre la métropole ? Non, la règle. » Olivier Le Cour Grandmaison est un politologue français né le 19 septembre 1960 à Paris. Spécialisé dans les questions de citoyenneté sous la Révolution française et dans les questions qui ont trait à l'histoire coloniale, il est maître de conférences en science politique à l'université d'Evry-Val d'Essonne et enseigne au Collège international de philosophie.
Temps de lecture : ~ 54 minutes
Cases Rebelles
Notre amour
« Notre amour est la fondation des reconstructions de nous-mêmes. En grandissant dans ce pays nous avons été happé⋅es dans une guerre de basse intensité incessante à l’école, la télé, dans les livres, les jeux, les films, la langue, la publicité, etc. Une guerre contre nous, nos lèvres, nos nez, nos fesses, nos peaux, nos âmes. À coup de dégradation, d’hypersexualisation, de spectacularisation. Cette guerre a scarifié nos miroirs aux âges où l’on tentait de se construire. Elle nous a cueilli⋅es au berceau à coup de remarques stupides, dans la classe, la cour de récréation et elle nous a poursuivi⋅es jusqu’à ce qu’elle devienne une partie de nousmêmes. » Cases Rebelles (cases-rebelles.org) est un collectif noir anti-autoritaire composé actuellement exclusivement de femmes queers et trans, qui vise à lutter contre toutes les formes de domination dans une perspective afrocentrée.
Temps de lecture : ~ 13 minutes
Michaela Danje
Nous n'avons toujours pas besoin de heros
« Le concept de héros est une arnaque. Nous n’avons pas besoin de leader⋅euses, de héros ou d’héroïnes. Nous avons besoin de vivre dans un monde où plus de personnes puissent agir, prendre leurs responsabilités, visà-vis de l’état du monde, de l’état de leur lieu de vie, vis-à-vis des êtres humains qu’iels souhaitent être, pour participer à révolutionner leurs existences. » Michaëla Danjé est une activiste transgenre noire, co-fondatrice du collectif Cases-Rebelles. Elle a notamment dirigé la publiaction du livre AfroTrans (2021).
Temps de lecture : ~ 18 minutes
Elsa Dorlin
Ce que peut un corps
Ce texte constitue le prologue au livre *Se défendre, une philosophie de la violence *d’Elsa Dorlin, paru en 2017. Il a obtenu les prix Frantz Fanon 2018 (Caribbean Philosophical Association), et le prix de l'Ecrit Social 2019
Temps de lecture : ~ 28 minutes
Said Bouamama
Comprendre et combattre le fascime et la fascisation
Le 24 octobre 2009 à Paris, au Centre International de Culture Populaire, je donnait une conférence sur le fascisme dans le cadre d’un cycle de formations marxistes. Plus de 10 ans après le média en ligne antifasciste « ACTA » me demandait de l’actualiser pour son site qui le publia le 27 mars 2021 avec l’introduction suivante : Nous avons tenu à retranscrire son contenu, tant il nous paraît d’une actualité brûlante, dans un contexte où le fascisme structure une part de plus en plus importante du champ politique français. Cette formation nous semble essentielle pour les nouvelles générations antifascistes qui s’engagent dans une séquence où le fascisme va être un sujet et un objet de lutte central (notamment dans la perspective des élections présidentielles à venir). Le fascisme peut prendre différentes formes et pour le démasquer, en comprendre le but, et le combattre de manière efficace, la théorie marxiste fournit des outils indispensables. Saïd Bouamama est sociologue et militant du FUIQP (Front uni des immigrations et des quartiers populaires)
Temps de lecture : ~ 44 minutes
Aime Cesaire
Discours sur le Colonialisme
« il vaudrait la peine d’étudier, cliniquement, dans le détail, les démarches d’Hitler et de l’hitlérisme et de révéler au très distingué, très humaniste, très chrétien bourgeois du XXe siècle qu’il porte en lui un Hitler qui s’ignore, qu’Hitler l’habite, qu’Hitler est son démon, que s’il le vitupère, c’est par manque de logique, et qu’au fond, ce qu’il ne pardonne pas à Hitler, ce n’est pas le crime en soi, le crime contre l’homme, ce n’est pas l’humiliation de l’homme en soi, c’est le crime contre l’homme blanc, c’est l’humiliation de l’homme blanc, et d’avoir appliqué à l’Europe des procédés colonialistes dont ne relevaient jusqu’ici que les Arabes d’Algérie, les coolies de l’Inde et les nègres d’Afrique. » Aimé Césaire, poète et homme politique, a été maire de Fort de France (1945-2001), et député de la Martinique (1945-1993) ; il a obtenu la départementalisation de la Martinique en 1946. Né en 1913 à la Martinique, il est mort le 17 avril 2008 à Fort-de-France. Il est notamment l’auteur de Cahier d’un retour au pays natal (1939), La tragédie du roi Christophe (1963).
Temps de lecture : ~ 64 minutes
Diangelo
la fragilite blanche
Pourquoi est-il si difficile de parler de racisme quand on est blanc ? La sociologue américaine Robin DiAngelo a passé vingt ans à étudier cette question dans des ateliers sur la diversité et le multiculturalisme. Elle en a tiré un concept fondamental pour comprendre le rapport des Blancs au racisme : la fragilité blanche, un mécanisme de défense ou de déni qui permet de détourner la conversation, empêchant d’identifier le racisme systémique qui persiste dans nos sociétés. Et donc de le combattre. Le texte est suivi de « 11 conseils pour être un bon·ne alié·e », écrit par trois membres de l’association Lallab
Temps de lecture : ~ 20 minutes
pierre madelin
la tentation ecofasciste
Alors que la question du « monde d'après » est sur toutes les lèvres et que la crise du capitalisme s'accentue, il nous a semblé important de nous interroger sur ce que pourrait être une politique écofasciste. À quoi pourrait ressembler une alliance entre le « vert » et le « brun » ? Pierre Madelin est un essayiste et traducteur. Il a étudié la philosophie à la Sorbonne avant de devenir traducteur spécialisé dans les 'humanités environnementales'. Depuis 2012, Pierre Madelin vit et travaille à San Cristóbal de Las Casas dans l’État du Chiapas, au Mexique. Il est notamment l’auteur du livre « Après le capitalisme »
Temps de lecture : ~ 35 minutes
Sara Ahmed et Oristelle Bonis
Les rabat joie féministes
Interrogeant la figure de la « féministe rabat-joie », cet article propose d’en explorer la négativité, aussi bien que la capacité d’agir dont elle est la promesse. Il s’agit ainsi, en repositionnant la pensée féministe comme critique de l’injonction au bonheur, de comprendre le sujet féministe en tant que sujet obstiné. L’obstination féministe est alors appréhendée comme le socle incertain d’une politique collective traduisant les émotions individuelles, la douleur ou la colère ressentie face aux injustices. Au-delà, la figure du sujet obstiné permet de saisir la façon dont, au sein des espaces féministes, les femmes noires ont pu être réduites à leur colère et désignées comme cause des divisions engendrées par le racisme. La position de sujet obstiné constituerait ainsi autant un lieu de tensions que de revendications politiques. Sara Ahmed est une universitaire angloaustralienne dont le domaine d’étude comprend la théorie féministe, le féminisme lesbien, la théorie queer, la critical race theory et le postcolonialisme. Elle est considérée comme une figure de la phénoménologie queer. Oristelle Bonis est directrice de publication des Éditions iXe, spécialisée dans le féminisme et ses différentes voix. Elle a été traductrice puis codirectrice de la collection Bibliothèque du féminisme (1991-2009) aux éditions de l’Harmattan.
Temps de lecture : ~ 35 minutes
Mathieu Rigouste
L’ordre sécuritaire et le soulèvement des quartiers populaires
– Le néocolonialisme et la société postcoloniale – De la bataille d’Alger à la bataille de Villiers-le-Bel – Une contre-insurrection médiatico-policière – Il faut sacrifier des boucs émissaires – Expérimentation, démonstration et commerce des techniques de provocation/répression – Les points de rupture de la machinerie sécuritaire – Maintenant il faut s’organiser « J’ai vécu 25 ans à Gennevilliers, banlieue populaire de Paris où quelques cités servent de terrains de chasse à la police. J’y ai vu l’oppression quotidienne, la misère et la ségrégation. J’y ai aussi appris l’entraide, la solidarité et l’espoir. Depuis dix ans j’enquête sur les méthodes de répression et le développement du système sécuritaire, je recueille aussi la parole de ceux qui s’y affrontent. J’ai vu les Uteq à Villiers-le-Bel quelques après-midi de juin 2009, j’y ai écouté ce qu’on voulait bien me raconter de la bataille, j’ai assisté au procès exactement un an plus tard et recueilli toutes les sources qui pouvaient permettre de décortiquer la mécanique qui s’est abattue sur celles et ceux de Villiers-le-Bel. » — Mathieu Rigouste
Temps de lecture : ~ 45 minutes
Que faire pour empecher la police de tuer
Les poursuites pénales et les poursuites au civil Les commissions de plainte en matière de droits civiques et les mesures visant à responsabiliser la police Les caméras-piétons et le fait de filmer la police Faire pression sur les politiques Voter Les manifestations pacifistes Les émeutes Alors, qu’est-ce qu’on fait ? Désarmer et abolir la police. Promouvoir l’auto-défense collective. Partager les ressources gratuitement par le biais de l’entraide Délégitimer et retirer tout pouvoir aux institutions qui excusent les meurtres de la police. Pour en finir une fois pour toute avec les meurtres de la police
Temps de lecture : ~ 20 minutes
Christine Delphy
Race Caste et Genre en France
« Je vais parler de l’interaction entre deux systèmes de domination, la race et le sexe. Je me propose d’analyser l’oppression des populations maghrébines, puis de leurs enfants selon trois axes : 1) le premier est la façon dont la construction sociale qu’est la “ race ” s’articule avec cette autre construction sociale qu’est le “ sexe ”. Ces deux construits sociaux sont bâtis de la même façon, par et pour la domination, bien qu’ils aient, évidemment des formes distinctes. 2) le second axe est l’hypothèse que nous assistons aujourd’hui en France, à la création d’un système de castes raciales. [...]. 3) Dans le sujet que je traite, le débat sur le foulard islamique a une place, mais plutôt comme le révélateur d’une dynamique qui remonte bien en amont et se poursuit bien en aval. » Christine Delphy est une sociologue et féministe française. Chercheuse du CNRS depuis 1966 dans le domaine des études féministes ou études de genre, elle est une des cofondatrices de Nouvelles Questions féministes, une revue qui introduit, entre autres, le concept de genre et le courant intellectuel du féminisme matérialiste. Elle a une activité militante importante tout d'abord dans les années 1960-70 dans différents groupes féministes liés au Mouvement de libération des femmes, dont elle est l'une des fondatrices, avant de s'engager dans les années 2000-2010 dans des cercles de réflexion critique du libéralisme, puis dans le combat contre la loi sur les signes religieux dans les écoles publiques françaises et plus généralement dans la lutte contre l'islamophobie.
Temps de lecture : ~ 26 minutes
Violence de la Légitimité Légitimité de la Violence
« Qu’est-ce que la violence ? Qui la définit ? A-t-elle une place dans la recherche de la libération ? Ces questions séculaires reviennent sur le devant de la scène lors de chaque mouvement d’ampleur qui déborde les cadres des organisations syndicales et militantes établies. Mais cette discussion n’a jamais lieu sur un pied d’égalité ; si certain·e·s délégitiment la violence, le langage de la légitimité luimême ouvre la voie à son utilisation par les autorités. »
Temps de lecture : ~ 33 minutes
Vous avez dit soral
D’aucuns prétendent qu’il ne faudrait pas parler de lui au prétexte que cela « lui fait de la publicité ». Argument sot. C’est par millions que se chiffrent déjà les vues de ses vidéos – sans rien dire du site qu’il administre, extrêmement visité, de ses livres qui s’arrachent sans la moindre promotion » [...] Cet article, fort d’une lecture exhaustive de son œuvre, se charge donc de rassembler les éléments disponibles en un même espace afin qu’il ne soit plus possible, comme on le lit ou l’entend trop souvent, de prétendre que Soral, il est vrai, « dépasse parfois les bornes », « dit des conneries », « exagère », mais que, tout de même, l’homme « a raison sur plein de choses » et qu’il est « bon sur le fond, si on oublie la forme ». Qu’il ne soit plus possible d’entendre un Étienne Chouard, qui se revendique pourtant de la gauche et de la tradition libertaire, déclarer : « Pour moi, Alain Soral est à gauche parce qu’il se bat contre les privilèges. C’est un résistant. »
Temps de lecture : ~ 29 minutes