S·edition est un infokiosque proposant des brochures au format A6. Les textes édités existent parfois au format A5 plus classique, et dans ce cas, ils sont souvent accessibles sur le site Infokiosque.net.

Les textes proposées ici n’appartienent pas à un “courant” de pensée ou une idéologie en particulier; mais ont ceci de commun qu’ils interrogent et dénoncent différents systèmes d’oppressions (économique, étatique, patriarcal, raciste, colonial…), ou proposent des pistes de réflexions pour y résister.


Peter Gelderloos
la non violence est inefficace
Elles sont reloues ces feministes
patriarcat  masculinité  Amour  Normes-sociales 

Pourquoi ce titre ? Parce que j’étais de ces gens qui le pensent. Je me sentais agressée dès que le sujet était abordé, et pour les plus affirmées, j’aurais juré qu’elles se faisaient griller des verges au barbecue l’été venu. Moi qui ai toujours été entourée d’hommes et me sens si proche d’eux, j’avais l’impression de devoir mettre tout mon passé, mon entourage et mes références au placard, l’impression qu’on balançait une bombe dans ma meute. Et puis j’ai fini par comprendre de quoi il était question, grâce à l’un de mes compagnons (féministe convaincu et surtout, patient) j’ai fini par m’ouvrir… Les choses me sont apparues les unes après les autres, comme un petit bout de ficelle tiré par inadvertance. Aujourd’hui ce bout de ficelle est devenu une pelote, que je continue de démêler jour après jour. Impossible désormais de faire marche arrière, car la qualité de vie et de relations que m’a apporté cette ouverture d’esprit dépasse de loin tout ce que j’ai pu connaître jusqu’ici. Nos façons de se relationner (dans l’intimité et en dehors) constituent selon moi l’un des piliers fondamentaux de notre construction sociale. Je souhaiterais, à travers ce texte, briser le silence et tendre ce petit bout de ficelle à celles et ceux qui nient encore la réalité des faits, ralentissant les améliorations possibles dans nos sociétés et dans nos vies, en tant que femme et en tant qu’homme, se privant ainsi d’une qualité de vie et de liberté qui n’a pas son égal.

Temps de lecture : ~ 55 minutes

Gunther Anders
La fin du pacifisme
Luttes  Écologie  Pacifisme  Répression 

Günther Anders (né Günther Siegmund Stern) est un penseur, journaliste et essayiste allemand puis autrichien, né en 1902 à Breslau et mort à Vienne en 1992. Ancien élève de Husserl et Heidegger et premier époux de Hannah Arendt, il est connu pour être un critique de la technologie important et un auteur pionnier du mouvement antinucléaire. Le principal sujet de ses écrits est la destruction de l'humanité. Günther Anders a traité du statut de philosophe, de la Shoah, de la menace nucléaire et de l'impact des médias de masse sur notre rapport au monde, jusqu'à vouloir être considéré comme un « semeur de panique » : selon lui, « la tâche morale la plus importante aujourd'hui consiste à faire comprendre aux hommes qu'ils doivent s’inquiéter et qu'ils doivent ouvertement proclamer leur peur légitime ». Il a été récompensé de nombreux prix au cours de sa vie pour son travail, dont le Deutscher Kritikerpreis de 1967 et le prix Theodor-W.-Adorno de 1983. A 85 ans, suite à la catastrophe de Tchernobyl, il renonce à la non-violence et prône la « légitime défense » face au péril nucléaire. Allant jusqu’à affirmer qu’« il n’y a pas d’autre moyen de survivre que de menacer ceux qui nous menacent », les appels à la violence de Gunther Anders choquent et agitent les sphères militantes et intellectuelles, notamment en Allemagne. Ces textes marquent son revirement intellectuel : le premier explique pourquoi le sabotage est devenu selon lui insuffisant, et justifie la violence envers ceux qui menacent la survie de l’humanité ; le second, sous forme d’une interview imaginaire, reprend ce plaidoyé et critique les mobilisations non-violentes, qu’il qualifie de happening.

Temps de lecture : ~ 35 minutes

Schmitt
Les hommes profeministes et leurs amies
Normes-sociales  Masculinité  Hétéronormativité  proféminisme  patriarcat 

« Je me suis demandé pourquoi les hommes hétérosexuels avons les amitiés que nous avons et pourquoi elles ont tendance à jouer un rôle relativement périphérique dans nos vies. Cherchant des réponses à ces questions, j’ai commencé à lire une partie de la volumineuse littérature au sujet des hommes et des femmes hétérosexuel.le.s dans leurs relations, à propos de leur manière de parler (ou de ne pas parler) les un.e.s aux autres. Cette littérature décrit les hommes hétérosexuels comme impassibles, ignorants de leurs propres émotions, et réticents à examiner leurs sentiments ou écouter d’autres personnes exprimer leurs émotions. Les explications de pourquoi ces hommes sont comme cela allaient de théories psychanalytiques sur la manière de grandir des petits garçons à des discours quasi-darwinistes plus ou moins bidons sur l’Homme-Chasseur et la Femme-Mère. Mais rien de tout ça ne semblait s’appliquer à moi et mes amis. Nous sommes tous des hommes proféministes hétérosexuels. Nous ne nous montrons pas de l’affection en nous frappant ou en nous appelant par des noms vulgaires et insultants. [...] Nous ne sommes pas en concurrence constante les uns avec les autres. […] Nous avons appris à écouter et accorder une attention soigneuse et concentrée. Mais nos amitiés les uns avec les autres restent — à quelques exceptions près — distantes, émotionnellement froides, et apparemment non essentielles à nos vies »

Temps de lecture : ~ 42 minutes

Sara Ahmed et Oristelle Bonis
Les rabat joie féministes
Racismes  Genres  Patriarcat  Normes-sociales 

Interrogeant la figure de la « féministe rabat-joie », cet article propose d’en explorer la négativité, aussi bien que la capacité d’agir dont elle est la promesse. Il s’agit ainsi, en repositionnant la pensée féministe comme critique de l’injonction au bonheur, de comprendre le sujet féministe en tant que sujet obstiné. L’obstination féministe est alors appréhendée comme le socle incertain d’une politique collective traduisant les émotions individuelles, la douleur ou la colère ressentie face aux injustices. Au-delà, la figure du sujet obstiné permet de saisir la façon dont, au sein des espaces féministes, les femmes noires ont pu être réduites à leur colère et désignées comme cause des divisions engendrées par le racisme. La position de sujet obstiné constituerait ainsi autant un lieu de tensions que de revendications politiques. Sara Ahmed est une universitaire angloaustralienne dont le domaine d’étude comprend la théorie féministe, le féminisme lesbien, la théorie queer, la critical race theory et le postcolonialisme. Elle est considérée comme une figure de la phénoménologie queer. Oristelle Bonis est directrice de publication des Éditions iXe, spécialisée dans le féminisme et ses différentes voix. Elle a été traductrice puis codirectrice de la collection Bibliothèque du féminisme (1991-2009) aux éditions de l’Harmattan.

Temps de lecture : ~ 35 minutes