Kropotkine
L’Organisation de la Vindicte appelée Justice
« La vindicte populaire organisée, appelée Justice, est une survivance d’un passé de servitude, développé d’une part par les intérêts des classes privilégiées et d’autre part par les idées du droit romain et celles de vengeance divine qui font tout aussi bien l’essence du christianisme que ses idées de pardon et sa négation de la vengeance humaine. Issue d’un passé de servage économique, politique et intellectuel, cette institution sert à le perpétuer. Elle sert à maintenir dans la société l’idée de vengeance obligatoire, érigée en vertu. Elle sert d’école de passions antisociales dans les prisons. Elle déverse dans la société un flot de dépravations qui suinte autour des tribunaux et des geôles par le policier, le bourreau, le mouchard, l’agent provocateur, les bureaux pour la moucharderie privée, etc, – ce flot grandissant tous les jours. Le mal excède en tout cas le bien que la justice est supposée accomplir par la menace de punition. » Kropotkine (1842-1921), aristocrate d’origine russe, fut officier en Sibérie, explorateur, scientifique, et l’un des plus important théoricien et vulgarisateur de la pensée anarchiste.
Temps de lecture : ~ 20 minutes
Olivier Razac
contre l'abolitionnisme
« Après des études de philosophie à l’Université Paris 8 dans les années 90 et une période de production d’essais de philosophie politique sur des objets contemporains (le barbelé et la délimitation de l’espace, le zoo et le spectacle de la réalité, la médecine et la « grande santé »). J’ai travaillé pendant huit ans comme enseignantchercheur au sein de l’Administration Pénitentiaire. C’est dans cette institution disciplinaire que j’ai compris ce que pouvait signifier pour moi la pratique de la philosophie, c’est-à-dire une critique des rationalités de gouvernement à partir des pratiques et dans une perspective résolument anti-autoritaire. Depuis 2014, j’ai intégré l’université de Grenoble comme maître de conférences en philosophie. Je travaille sur la question de l’autorité politique, sur les notions de société du spectacle et de société du contrôle. J’essaie également de porter, avec les étudiants, des projets de philosophie appliquée déconstruisant les pratiques de pouvoir. Enfin, nous tentons de faire vivre un réseau de « philosophie plébéienne », anti-patricienne donc, mais aussi en recherche de relations avec tous nos camarades artisans de la critique sociale. » — Olivier Razac
Temps de lecture : ~ 29 minutes
Peter Gelderloos
la non violence est inefficace
La grande majorité des mouvements sociaux et écologistes échouent lamentablement, depuis des décennies, ne serait-ce qu'à freiner la catastrophe sociale et écologique en cours (de la sixième extinction de masse aux inégalités économiques phénoménales et croissantes qui caractérisent notre temps). La plupart de ces mouvements se targuent de respecter scrupuleusement les principes de la non-violence, qu'ils considèrent comme la seule méthode de lutte acceptable. Et pourtant, ainsi que Peter Gelderloos l'expose dans ce texte, cette adhérence dogmatique au concept de la non-violence est injustifiée et injustifiable. Peter Gelderloos démystifie ici les figures historiques inexorablement citées par la majorité de ceux qui défendent la non-violence comme un absolu Gandhi, Martin Luther King, Nelson Mandela – et expose les réalités complexes derrière leurs accomplissements (souvent réduites à des simplismes mensongers) Ce texte constitue le premier chapitre du livre Comment la non-violence protège l’État : Essai sur l'inefficacité des mouvements sociaux. Il est suivi de quelques citations extraite du livre L’échec de la non-violence. Peter Gelderloos, né en 1982 à Morristown, est un philosophe libertaire, activiste et théoricien anarchiste américain.
Temps de lecture : ~ 36 minutes
Bob Black
Abolir le Travail
Bob Black, né à Détroit le 4 janvier 1951, est un anarchiste américain, principalement connu pour ce livre L'Abolition du travail. Ce livre, L'Abolition du travail (ou Travailler, moi ? Jamais !), de 1985, a été traduit dans sept langues. La première traduction en français fut pour la revue Interrogations en 1990. Il y définit en quoi le travail est un crime contre l’humanité en lui-même ou à travers ses conséquences. Pour l’abolir, il propose une révolution ludique : « Les employés, enrégimentés toute leur vie, happés par le travail au sortir de l’école et mis entre parenthèses par leur famille à l’âge préscolaire puis à celui de l’hospice, sont accoutumés à la hiérarchie et psychologiquement réduits en esclavage. Leur aptitude à l’autonomie est si atrophiée que leur peur de la liberté est la moins irrationnelle de leurs nombreuses phobies. » Il a participé aussi à l'édition de deux anthologies, l'une de « divagations » (1989), l'autre de diatribes contre le travail (1990). Il a publié, en 2002, Anarchy after Leftism.
Temps de lecture : ~ 38 minutes
Mais au fond qu'est ce que vous voulez
Ces quelques lignes ont été écrites en juillet 2004 par un anarchiste italien. Frappé par la répression comme d’autres compagnons à travers tout le pays, il se trouvait alors incarcéré à la prison de Trento. C’est au cours de ce séjour qu’il en a profité pour jeter sur le papier ces brèves réflexions, destinées à donner une première réponse à tous ceux qui, inlassablement, finissent par demander « Oui, mais au fond, qu’est-ce que vous voulez ? ». Elles ont ensuite été publiées dans une feuille de critique sociale du coin, Adesso. Ni bréviaire du petit anarchiste contemporain comme se plaisent à en imprimer quelques éditeurs (un marché s’est semble-t-il réouvert depuis les émeutes de Gênes en juillet 2001), ni guide à conserver chez soi entre deux auteurs très 19e siècle comme on les aime dans certaines organisations, il s’agit au contraire d’un texte qui, tout en se revendiquant d’une éthique anarchiste, cherche à poser en quelques lignes la vie pour laquelle nous nous battons, « conscient que ce que nous voulons ne peut que “porter la panique à la superficie des choses” ». Comme des pierres jetées sur l’eau et dont les cercles s’agrandiraient à l’infini.
Temps de lecture : ~ 15 minutes
treize minutes
A 21h20, comme prévu, le tic-tac de l’horloge de Georg Elser cessa de battre. Dans un terrible fracas, la colonne située derrière la scène se brisa, faisant s’écrouler tout le balcon qu’elle soutenait ainsi que le toit, en dévastant le local. Une pluie de débris de bois, de briques et d’acier s’abattit sur la scène en la pulvérisant complètement.
Temps de lecture : ~ 19 minutes