Adrienne Rich
les arts du possible
« Là où la démocratie devient « la libre entreprise », les droits des individus l’intérêt propre du capital, il n’y a pas à s’étonner que l’ensemble des régulations sociales requises pour rendre possible l’égalité démocratique soit renvoyé comme un gigantesque bric-à-brac désuet, connu comme « le trop d’État ». Dans le vocabulaire volé aux politiques de libération, aucun mot n’a été aussi prostitué que celui de liberté. » Adrienne Rich, (1929-2012) est une poétesse, essayiste, professeure d'université et théoricienne féministe américaine. À partir des années 1970, une part importante de son œuvre est consacrée à son lesbianisme et à son engagement contre l'hégémonie de l'hétérosexualité comme seule norme sociale de la sexualité.
Temps de lecture : ~ 38 minutes
Jerome Baschet
20 ans d'experience zapatiste
« L’urgence qu’il y a à tirer le signal d’alarme capable d’arrêter la locomotive folle de l’Histoire est extrême. Cela suppose d’être capable de construire d’autres mondes, qui échappent à la fois aux logiques de l’Économie-toute-puissante et à la capture étatique de la puissance collective. C’est vers l’expérience zapatiste, qui se construit patiemment depuis plus de vingt ans au Sud du Mexique, que l’on se tournera ici. » Jérôme Baschet est historien. Après avoir longtemps enseigné à l’EHESS, il enseigne maintenant à l’Universidad Autónoma de Chiapas, à San Cristóbal de Las Casas (Mexique). Il est notamment l’auteur de Défaire la tyrannie du présent et d’Adieu au capitalisme
Temps de lecture : ~ 14 minutes
Francois Cusset
Au Chiapas la révolution s'obstine
Au début des années 1990, le soulèvement zapatiste incarnait une option stratégique : changer le monde sans prendre le pouvoir. Une lutte indigène et anti-capitaliste, une organisation du pouvoir à la fois horizontale et verticale, visant l’autogouvernement et l’élaboration de solidarités entre les luttes des cinq continents...
Temps de lecture : ~ 23 minutes
Babeuf
Le manifeste des plebeiens
François Noël Babeuf, connu sous le nom de Gracchus Babeuf (le prénom romain de Gracchus évoque le partage des terres et la répartition égalitaire des biens), né le 23 novembre 1760 à Saint-Quentin et mort guillotiné à Vendôme le 27 mai 1797, est un révolutionnaire français. Il forma la « conjuration des Égaux » contre le Directoire et fut exécuté. Ses idées inspirent un courant de pensée, le « babouvisme », qui préfigure le communisme et l'anarchisme. En 1795, Babeuf sort de la prison où l’a conduit le soupçon qu’il préparait une insurrection. Il relance immédiatement son journal, Le Tribun du peuple, où il attaque le tout nouveau Directoire tout en réclamant la mise en œuvre de la Constitution de 1793. Ce qui lui vaut les insultes et accusations de Joseph Fouché, l’un des artisans de la chute de Robespierre et futur ministre de la police pour Napoléon. Avec ce Manifeste, Babeuf répond à ceux qui le traitent de « forcené populacier » et d’allié objectif de la contre-révolution. Il en appelle à une concrétisation de l’égalité de droit passant par la suppression de la propriété particulière : « Tout ce qu’on a au-dessus de la suffisance est le résultat d’un vol. » Le propos sera très bien compris : Babeuf est exécuté en 1797.
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Kropotkine
L’Organisation de la Vindicte appelée Justice
« La vindicte populaire organisée, appelée Justice, est une survivance d’un passé de servitude, développé d’une part par les intérêts des classes privilégiées et d’autre part par les idées du droit romain et celles de vengeance divine qui font tout aussi bien l’essence du christianisme que ses idées de pardon et sa négation de la vengeance humaine. Issue d’un passé de servage économique, politique et intellectuel, cette institution sert à le perpétuer. Elle sert à maintenir dans la société l’idée de vengeance obligatoire, érigée en vertu. Elle sert d’école de passions antisociales dans les prisons. Elle déverse dans la société un flot de dépravations qui suinte autour des tribunaux et des geôles par le policier, le bourreau, le mouchard, l’agent provocateur, les bureaux pour la moucharderie privée, etc, – ce flot grandissant tous les jours. Le mal excède en tout cas le bien que la justice est supposée accomplir par la menace de punition. » Kropotkine (1842-1921), aristocrate d’origine russe, fut officier en Sibérie, explorateur, scientifique, et l’un des plus important théoricien et vulgarisateur de la pensée anarchiste.
Temps de lecture : ~ 20 minutes
Hazel Croft
Pour une approche politique de la sante mentale
« Une approche sociale nous permet de voir que la santé mentale est centrale dans toutes les dimensions de notre vie, et qu’elle est liée à toutes les batailles que nous avons à mener – contre le racisme et le sexisme, pour la libération sexuelle, pour un logement décent, ou dans nos luttes sur nos lieux de travail contre le travail précaire et les tentatives de nous faire travailler plus longtemps et de façon plus intensive. Notre lutte se fait avec les travailleuses/ eurs de la santé mentale, avec les usager.e.s et avec d’autres. Oui, nous devons défendre les services de santé, mais nous devons aussi chercher à conceptualiser la santé mentale d’une manière qui soit libératrice et qui ne nous réduise pas à nos corps biologiques ou à des unités que l’on mesure à l’aune du « bonheur ». Hazel Croft est historienne, écrivaine et militante communiste.
Temps de lecture : ~ 34 minutes
Jo Freeman
La tyranie de l'absence de structure
Jo Freeman (Joreen Freeman), née le 26 août 1945 est une avocate, essayiste, politologue et militante féministe américaine En mai 1970, prononce une conférence au cours de laquelle elle met en lumière certains des écueils auxquels se heurtent les collectifs soucieux de s’émanciper des structures hiérarchiques associées aux partis traditionnels.
Temps de lecture : ~ 34 minutes
Bob Black
Abolir le Travail
Bob Black, né à Détroit le 4 janvier 1951, est un anarchiste américain, principalement connu pour ce livre L'Abolition du travail. Ce livre, L'Abolition du travail (ou Travailler, moi ? Jamais !), de 1985, a été traduit dans sept langues. La première traduction en français fut pour la revue Interrogations en 1990. Il y définit en quoi le travail est un crime contre l’humanité en lui-même ou à travers ses conséquences. Pour l’abolir, il propose une révolution ludique : « Les employés, enrégimentés toute leur vie, happés par le travail au sortir de l’école et mis entre parenthèses par leur famille à l’âge préscolaire puis à celui de l’hospice, sont accoutumés à la hiérarchie et psychologiquement réduits en esclavage. Leur aptitude à l’autonomie est si atrophiée que leur peur de la liberté est la moins irrationnelle de leurs nombreuses phobies. » Il a participé aussi à l'édition de deux anthologies, l'une de « divagations » (1989), l'autre de diatribes contre le travail (1990). Il a publié, en 2002, Anarchy after Leftism.
Temps de lecture : ~ 38 minutes
Castoriadis
Autogestion et hierarchie
Cornelius Castoriadis (1922-1997) est un philosophe, économiste et psychanalyste grec, fondateur avec Claude Lefort du groupe Socialisme ou barbarie. Il consacra une grande partie de sa réflexion à la notion d'autonomie, par opposition à l'hétéronomie, constitutive selon lui des sociétés religieuses et traditionnelles, des régimes capitalistes mais aussi du régime de l'URSS. Il défendait l’idée d’une révolution en faveur de la démocratie directe et de l’auto-gestion généralisé. Une société sans Etat, ni hiérarchie d’aucune sorte. « Dans la société moderne le système hiérarchique (ou, ce qui revient à peu près au même, bureaucratique) est devenu pratiquement universel. Dès qu’il y a une activité collective quelconque, elle est organisée d’après le principe hiérarchique, et la hiérarchie du commandement et du pouvoir coïncide de plus en plus avec la hiérarchie des salaires et des revenus. De sorte que les gens n’arrivent presque plus à s’imaginer qu’il pourrait en être autrement, et qu’ils pourraient eux-mêmes être quelque chose de défini autrement que par leur place dans la pyramide hiérarchique. »
Temps de lecture : ~ 29 minutes
Lordon
le capitalisme ne rendra pas les cles gentiment
« La fin de l’histoire est connue : la « démocratie », le parlement, la « loi de la majorité », tout ça finit en bombardement aérien de la Moneda. Et voilà le point de cruauté de la leçon de chose : jusqu’au dernier moment, Allende a voulu croire en la procédure « démocratique », et refusé l’option de la classe ouvrière en armes. Malheureusement, en face, on n’y croyait pas. Moyennant quoi, les armes n’ont été que d’un côté — qui a, logiquement, été vainqueur. Drame classique de la théorie des jeux : celui qui joue la coopération dans un jeu noncoopératif finit comme à la belote : capot. » Frédéric Lordon est économiste et philosophe. Il est notamment l’auteur de Jusqu’à quand ? Pour en finir avec les crises financières, Raisons d’agir, 2008 ; Capitalisme, désir et servitude. Marx et Spinoza, La Fabrique, 2010 ; D’un retournement l’autre, Seuil, 2011 ; La société des affects, Seuil, 2013 ; et Imperium. Structures et affects des corps politiques, La Fabrique, 2015.
Temps de lecture : ~ 31 minutes
Einstein
Le capitalisme voila la source du mal
En mai 1949, Albert Einstein, peu connu pour son positionnement politique, signait un article paru dans le premier numéro du magazine de la gauche états-unienne Monthly Review. Il expliquait pourquoi il choisissait le socialisme plutôt que le capitalisme.
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Mais au fond qu'est ce que vous voulez
Ces quelques lignes ont été écrites en juillet 2004 par un anarchiste italien. Frappé par la répression comme d’autres compagnons à travers tout le pays, il se trouvait alors incarcéré à la prison de Trento. C’est au cours de ce séjour qu’il en a profité pour jeter sur le papier ces brèves réflexions, destinées à donner une première réponse à tous ceux qui, inlassablement, finissent par demander « Oui, mais au fond, qu’est-ce que vous voulez ? ». Elles ont ensuite été publiées dans une feuille de critique sociale du coin, Adesso. Ni bréviaire du petit anarchiste contemporain comme se plaisent à en imprimer quelques éditeurs (un marché s’est semble-t-il réouvert depuis les émeutes de Gênes en juillet 2001), ni guide à conserver chez soi entre deux auteurs très 19e siècle comme on les aime dans certaines organisations, il s’agit au contraire d’un texte qui, tout en se revendiquant d’une éthique anarchiste, cherche à poser en quelques lignes la vie pour laquelle nous nous battons, « conscient que ce que nous voulons ne peut que “porter la panique à la superficie des choses” ». Comme des pierres jetées sur l’eau et dont les cercles s’agrandiraient à l’infini.
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