Ballast
comprendre la violence judiciare
À l’occasion d’une présentation du dernier film de David Dufresne, Un pays qui se tient sage, Lucie Simon, avocate, invoqua la notion de « violence judiciaire ». Loin des coups et des cris des violences policières, elle frappe à l’abri des regards, derrière les portes feutrées des tribunaux. Une violence que l’on ne dit sans doute pas assez. Pour ce quatrième et dernier volet de notre dossier consacré à la lutte de la famille Pontonnier, c’est l’institution judiciaire en tant que telle qui retient ici notre attention. Coûts de la défense, impunité policière structurelle, mise en accusation de la parole des victimes : nous en discutons avec les avocates Lucie Simon, Camille Vannier et Aïnoha Pascual. Les deux premières sont pénalistes et spécialisées dans le droit des étrangers ; la troisième a défendu de nombreux cas de violences policières lors de l’expulsion de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes et partage la charge du dossier des Pontonnier.
Temps de lecture : ~ 16 minutes
Quadrupanni et Floch
Pourquoi les flics sont-ils tous des bâtards
« Le policier n’est ni un guerrier ni un mafieux : le bénéfice de la violence qu’il prodigue au jour le jour ne lui revient jamais, elle est gratuite. S’il harcèle, racket ou brutalise, ce n’est jamais pour son propre intérêt, c’est parce qu’on lui commande de le faire. Les méfaits dont il doit s’acquitter quotidiennement ne répondent pas à son éthique propre mais à des idées vides, éloignées et abstraites : la violence légitime, la sécurité, la paix civile, l’ordre des choses… Il peut bien faire usage de son libre arbitre, choisir ses victimes selon ses goûts personnels, vouvoyer ou tutoyer celles et ceux qu’il contrôle mais ce que son uniforme recouvre, c’est son irresponsabilité fondamentale. La seule grandeur qui lui est accessible, c’est celle d’obéir à des ordres, sa seule liberté, c’est d’incarner à une échelle microscopique et dérisoire la raison d’État. « Mais derrière l’uniforme, il y a un être humain ! », non, ce qu’il y a c’est un sujet irresponsable de ses actes, une marionnette sans éthique, un exécutant au cœur froid. Ce qui rend la vie du policier aussi détestable, c’est la banalité et la vacuité de ce mal-là. »
Temps de lecture : ~ 36 minutes
Comme un chien enragé
« Je suis actuellement incarcéré en détention préventive à la prison de la Santé, à Paris. J’espère ici réussir à donner un bon aperçu de cette vie de chien, une plongée en apnée dans l’univers carcéral. Je suis pour la destruction totale de tous les lieux d’enfermement quels qu’ils soient, et avant mon incarcération, je participais déjà aux luttes anticarcérales et <avais donc développé un certain intérêt pour la condition du prisonnier, et pourtant la prison telle que je la vis aujourd’hui est assez éloignée de la façon dont je pouvais me la représenter concrètement vue de l’extérieur. »
Temps de lecture : ~ 31 minutes
Kropotkine
L’Organisation de la Vindicte appelée Justice
« La vindicte populaire organisée, appelée Justice, est une survivance d’un passé de servitude, développé d’une part par les intérêts des classes privilégiées et d’autre part par les idées du droit romain et celles de vengeance divine qui font tout aussi bien l’essence du christianisme que ses idées de pardon et sa négation de la vengeance humaine. Issue d’un passé de servage économique, politique et intellectuel, cette institution sert à le perpétuer. Elle sert à maintenir dans la société l’idée de vengeance obligatoire, érigée en vertu. Elle sert d’école de passions antisociales dans les prisons. Elle déverse dans la société un flot de dépravations qui suinte autour des tribunaux et des geôles par le policier, le bourreau, le mouchard, l’agent provocateur, les bureaux pour la moucharderie privée, etc, – ce flot grandissant tous les jours. Le mal excède en tout cas le bien que la justice est supposée accomplir par la menace de punition. » Kropotkine (1842-1921), aristocrate d’origine russe, fut officier en Sibérie, explorateur, scientifique, et l’un des plus important théoricien et vulgarisateur de la pensée anarchiste.
Temps de lecture : ~ 20 minutes
Olivier Razac
contre l'abolitionnisme
« Après des études de philosophie à l’Université Paris 8 dans les années 90 et une période de production d’essais de philosophie politique sur des objets contemporains (le barbelé et la délimitation de l’espace, le zoo et le spectacle de la réalité, la médecine et la « grande santé »). J’ai travaillé pendant huit ans comme enseignantchercheur au sein de l’Administration Pénitentiaire. C’est dans cette institution disciplinaire que j’ai compris ce que pouvait signifier pour moi la pratique de la philosophie, c’est-à-dire une critique des rationalités de gouvernement à partir des pratiques et dans une perspective résolument anti-autoritaire. Depuis 2014, j’ai intégré l’université de Grenoble comme maître de conférences en philosophie. Je travaille sur la question de l’autorité politique, sur les notions de société du spectacle et de société du contrôle. J’essaie également de porter, avec les étudiants, des projets de philosophie appliquée déconstruisant les pratiques de pouvoir. Enfin, nous tentons de faire vivre un réseau de « philosophie plébéienne », anti-patricienne donc, mais aussi en recherche de relations avec tous nos camarades artisans de la critique sociale. » — Olivier Razac
Temps de lecture : ~ 29 minutes
Mathieu Rigouste
L’ordre sécuritaire et le soulèvement des quartiers populaires
– Le néocolonialisme et la société postcoloniale – De la bataille d’Alger à la bataille de Villiers-le-Bel – Une contre-insurrection médiatico-policière – Il faut sacrifier des boucs émissaires – Expérimentation, démonstration et commerce des techniques de provocation/répression – Les points de rupture de la machinerie sécuritaire – Maintenant il faut s’organiser « J’ai vécu 25 ans à Gennevilliers, banlieue populaire de Paris où quelques cités servent de terrains de chasse à la police. J’y ai vu l’oppression quotidienne, la misère et la ségrégation. J’y ai aussi appris l’entraide, la solidarité et l’espoir. Depuis dix ans j’enquête sur les méthodes de répression et le développement du système sécuritaire, je recueille aussi la parole de ceux qui s’y affrontent. J’ai vu les Uteq à Villiers-le-Bel quelques après-midi de juin 2009, j’y ai écouté ce qu’on voulait bien me raconter de la bataille, j’ai assisté au procès exactement un an plus tard et recueilli toutes les sources qui pouvaient permettre de décortiquer la mécanique qui s’est abattue sur celles et ceux de Villiers-le-Bel. » — Mathieu Rigouste
Temps de lecture : ~ 45 minutes
Que faire pour empecher la police de tuer
Les poursuites pénales et les poursuites au civil Les commissions de plainte en matière de droits civiques et les mesures visant à responsabiliser la police Les caméras-piétons et le fait de filmer la police Faire pression sur les politiques Voter Les manifestations pacifistes Les émeutes Alors, qu’est-ce qu’on fait ? Désarmer et abolir la police. Promouvoir l’auto-défense collective. Partager les ressources gratuitement par le biais de l’entraide Délégitimer et retirer tout pouvoir aux institutions qui excusent les meurtres de la police. Pour en finir une fois pour toute avec les meurtres de la police
Temps de lecture : ~ 20 minutes